La baisse d’impôt vu de Puplinge

Written by

La baisse d’impôts vue de Puplinge (27.11.24)

La petite commune de Puplinge, dans laquelle j’occupe actuellement le poste adjoint au Maire, dépense environ CHF 3.400.- par habitants (2022). C’est bien en dessous de la moyenne cantonale, mais très en dessous des CHF 9’500.- par habitant que dépense la commune de Cologny par année par habitant (2022). Je vous épargne les chiffres d’Anière.

Notre budget, qui avoisine les 10 millions pour 2’550 habitants, ne nous permet aucune grandiloquence, notre centime additionnel à 48 est élevé, et nous bénéficions en 2024 de plus CHF 1’000’000.- de péréquation financière en provenance des autres communes, les plus riches; la même péréquation que la commune de Cologny a essayé de contester sans succès jusqu’au Tribunal Fédéral.

Le peuple vient d’accepter à une large majorité de 61% la baisse d’impôts proposé au niveau cantonal.  En tant que magistrat communal, je n’ai pas a commenté ce résultat. Cependant, en votant une baisse d’impôt majeure et y liant les finances des communes à hauteur de 108 millions, alors que l’un aurait très bien pu se faire sans l’autre, le Grand Conseil et le Conseil d’Etat ont délibérément choisis de couper les communes comme Puplinge de nos ressources vitales. Vitales, ce n’est pas exagéré. 10,5 pourcents de moins en disponible sur nos recettes fiscales, à peu près l’équivalent sur notre budget de fonctionnement, quand on associe la baisse de recettes fiscales avec la baisse de notre part péréquative qui lui est liée. Notre plan financier, que nous nous efforçons de maintenir à l’équilibre depuis le début de la législature, notamment en renonçant à des investissements, se voit soudainement bouleversé. Il faudra renoncer encore.

Même si on coupait de manière Tatchérienne sur nos prestations, on n’y arriverait pas. Il existe des charges incompréhensibles et nous ne pouvons pas « dégraisser » notre personnel. Il y a des investissements qui sont obligatoires ; nous avons un agrandissement de l’école primaire qui coûte plus d’une dizaine de million à réaliser. Couper dans les dépenses, nous en avons fait l’exercice, à l’exécutif et actuellement dans les différentes commissions. Nous envisageons de supprimer un voyage des aînés, de couper dans la solidarité internationale et dans notre contribution à la Fédération Genevoise de Développement, de cesser de verser des subventions aux associations sociales, culturelles et sportives hors-communes, de réduire certaines sommes pour le développement culturel et social de notre commune. Ce n’est pas exhaustif. Autant dire que je suis toujours étonné d’entendre répéter, dans le cadre de la campagne du 24 novembre, que la baisse d’impôts n’aura pas de répercussion sur les prestations des communes. Nous enchaînons les coupes, et pourtant ce n’est pas assez. Il faut dire que certaines dépenses sont aussi en hausses, celles sur lesquelles nous n’avons pas d’emprise, essentiellement en lien avec des lois cantonales qui imposent de nouvelles tâches au commune (cette année la Loi sur l’Aide aux Personnes Sans-Abris) ou à des mécanismes de collaboration intercommunale (Service d’Incendie et de Secours, Groupement Intercommunal pour l’Animation Parascolaire). Des tâches et des coûts toujours plus nombreux à passer du Canton aux communes, on appelle cela la « répartition des tâches ».

Le seul choix qui reste ? Associer une coupe dans les prestations d’une hausse du centime additionnel… Il est déjà à 48 centimes à Puplinge, un des plus élevés du Canton… (notons qu’il est à 27 à Cologny par exemple… ). 49, 50 ? Nous en discutons. Il faut savoir qu’en relevant ainsi le centime additionnel nous ne ferions qu’atténuer la baisse d’impôts et chacun et chacune des contribuables puplingeois bénéficiera tout de même d’une baisse nette au niveau cantonal et communal. Nous atténuons juste la baisse pour la rendre vivable. Nous risquons donc nous retrouver juste avant les élections municipales 2025, moi et mes collègues de milice, à expliquer à la population que nous proposons une hausse d’impôts mais que toutes et tous bénéficieront toutefois d’une baisse d’impôts… Et quel sera l’effet de ce bouleversement des finances communales sur le système très complexe de péréquation communale ? Personne n’ose avancer la moindre hypothèse que ce soit tant le système est complexe.  Concrètement, cela jette un écran de fumée sur nos finances et met en péril l’ensemble de nos prestations communales.

Notre situation est plutôt peu commune dans la campagne de la rive gauche, ou certaines communes il est vrai – et elles en témoignent elles-mêmes – se permettent même de proposer une baisse de leurs centimes additionnels dans leur budget 2025. C’est dire si, elles en effet, ont de la marge. Notre situation est tout de même partagée par de nombreuses communes genevoises, les plus petites et les moins riches. Celles que nos collègues magistrats de la rive gauche, qui nous côtoient régulièrement, oublient.  Puplinge mais aussi Meinier. Le maire en a fait un très beau témoignage, dans une lettre des lecteurs de la TDG et dans le Temps, où il évoque une forme de « mépris » pour les petites communes. Certes toutes les communes modestes que cette baisse met en difficulté n’augmente pas leur centime additionnel et ne coupent pas dans leurs prestations, Puplinge semble bien seule, mais ils n’ont peut-être pas une école à agrandir pour assumer l’augmentation de la population et, souvent, leur compte sont largement déficitaires.

Lorsque notre commune en difficulté sera dans l’obligation de relever son centime additionnel, les mêmes partis qui ont milité pour cette baisse d’impôts et pour y associer les communes pourront fièrement occuper le terrain des élections municipales à venir en critiquant la hausse de l’impôts communal qu’ils ont eux-mêmes provoqués. 

Je trouve difficile dans ce contexte de proposer quelque projet que ce soit pour les élections municipales à venir, au printemps 2025, encore moins de motiver d’autres à me suivre ; cette baisse d’impôts nous en coupe les moyens. Qu’on ne s’étonne pas si certaines petites communes auront encore plus de mal que d’habitude à trouver des candidates et des candidats pour faire vivre la démocratie locale.

 

Jérôme Grand

Last modified: 05/12/2024